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Dans Le Devoir aujourd’hui, Antoine Robitaille signe un éditorial qui renvoie à un billet publié ici en juin 2015. Selon Robitaille :

“Un des penseurs du programme de 2006, Jocelyn Létourneau, en juin, dans un blogue, après avoir amalgamé maladroitement des commentaires du chef péquiste, Pierre Karl Péladeau, et des phrases écrites ici même dans cette page, concluait que si ces idées devaient l’emporter, « l’horizon s’annonce brun ». Oui, « brun » ! Comme dans « chemises brunes nazies » ! M. Létourneau souhaite peut-être secrètement recevoir une mise en demeure de la part du chef péquiste. Ou alors, plus simplement, ce chantre de la complexité historique, du passé « ni simple, ni clair, ni léger, ni docile », a — paradoxe ! — atteint son point Godwin.”

Au lecteur de se faire une idée.

L’AVENIR DU QUÉBEC

ENTRE HISTOIRE ET PATRIOTISME

Jocelyn Létourneau

(juin 2015)

À l’occasion de la Fête des Patriotes (mai 2015), Pierre-Karl Péladeau déclarait sans ambages : «Si les Québécois connaissaient bien leur histoire, ils seraient indépendants». Il ajoutait : «Dieu sait si les commentateurs sont nombreux à nous reprocher de parler de notre histoire, de parler de la bataille des Plaines d’Abraham, de parler du Traité de Paris. Pourtant, c’est ce qui nous motive encore aujourd’hui à continuer à nous battre.»[1]

Dans un éditorial où il identifiait les défis à venir du nouveau chef du PQ, Antoine Robitaille affirmait de son côté, après avoir vanté l’«enracinement» de PKP et son amour de l’histoire, que pour faire croître le sentiment souverainiste au Québec, «M. Péladeau devra réussir à communiquer son patriotisme.»

L’une et l’autre position devrait inquiéter.

L’APPEL DE L’HISTOIRE

En prétendant que les Québécois ne connaissent pas leur histoire, PKP répète le poncif de la Coalition pour l’histoire et le truisme de son membre le plus influent, Éric Bédard, avec qui il entretient des liens serrés[2]. L’affirmation ne repose pourtant sur aucune étude sérieuse. Elle tient à l’idée que si une personne ne peut répondre à des questions triviales (ex. : «Qui fut le premier premier ministre du Québec ?»), elle est ignare sur le plan historique. Des dizaines de recherches effectuées à travers le monde ont pourtant montré que les jeunes, en matière de connaissances et de représentations historiques, étaient bien moins incultes qu’on ne le croyait… si tant est que l’on se donnait les moyens d’accéder à leur bagage de savoirs.

Ce que j’ai fait dans le cas des jeunes Québécois[3]. Pour découvrir que non seulement ces derniers n’étaient pas amnésiques, mais que les connaissances et représentations qu’ils possédaient étaient précisément – ô paradoxe ! – celles que MM. Péladeau et Bédard voulaient leur inculquer sans ménagement, que ce soit par le biais de L’histoire du Québec pour les Nuls[4], à travers le programme d’histoire en voie d’élaboration ou par des usages du passé aussi critiquables que ceux mis en avant par le gouvernement Harper.

Le défi de l’enseignement de l’histoire à l’école n’est pas de faire des jeunes des férus de l’indépendance nationale, mais, entre autres choses, de développer leur esprit critique par rapport à toute vision qui se donne pour évidente et qui vise à transformer les élèves en petits patriotes embrigadés dans quelque idée, dessein ou destin à tout prix.

L’APPEL AU PATRIOTISME

La question du patriotisme est celle qu’Antoine Robitaille, dans un dilettantisme surprenant, abordait dans un éditorial récent du Devoir [5]. Avançant (de nouveau) l’idée que les Québécois, les jeunes en particulier, sont en voie de déracinement et qu’ils se complaisent dans l’avenir, dans l’international et dans l’indifférence (mais où trouve-t-on des preuves de tout cela ailleurs que chez les essayistes aux idées surfaites ?), il pose une question de militant : «Comment prôner la souveraineté du Québec en cette époque oublieuse, en cette nation qui semble se désintéresser d’elle-même et de son État ?»

Sa réponse, qu’il suggère d’ailleurs à M. Péladeau, est la suivante : en affermissant le patriotisme des jeunes – par l’histoire peut-on penser, M. Robitaille ayant été un farouche partisan des idées prônées par la Coalition pour l’histoire[6] ; M. Robitaille ayant également, en marge de l’événement Le Moulin à parole, sur les plaines d’Abraham en septembre 2009, publié ces lignes qui secouent : «Samedi et dimanche [les 12 et 13 septembre 2009], une chose rare s’est fait voir : un public respectueux, attentif, presque studieux. C’est ce qu’on devrait prendre le temps de faire dans les écoles : lire des textes. Donner la parole à nos grands morts : ce sont les meilleurs professeurs. Un peuple qui ne connaît pas ses morts a du mal à vivre.»[7]

La convergence des idées de MM. Péladeau et Robitaille interpelle : est-on sur le point, au Québec, de revenir à une conception de l’histoire et de son enseignement qui visent à raviver le patriotisme des jeunes et leur amour des morts en vue de les amener, pour le dire comme l’ancien ministre Pierre Duchesne, qui voulait instaurer un cours d’histoire nationale obligatoire dans les cégeps, « à faire des choix porteurs pour la société québécoise ?»[8]

Si la réponse à cette question est Oui, l’horizon s’annonce brun.

[1] Des notes infrapaginales ont été ajoutées à la suite de la publication originale de ce billet. Philippe Teisceira-Lessard, «Le PQ doit parler d’histoire, dit Péladeau», Cyberpresse, 18 mai 2015.

[2] Vincent Marissal, «Le choc, la charge, la charte», La Presse, 31 mars 2014. Voir aussi Philippe Teisceira-Lessard, «Dons aux aspirants chefs du PQ : Quebec Inc. appuie Péladeau», La Presse, 6 mars 2015.

[3] Jocelyn Létourneau, Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse, Montréal, Fides, 2014.

[4] Éric Bédard, L’histoire du Québec pour les Nuls, Paris, Éditions First, 2012.

[5] Antoine Robitaille, «Deux défis», Le Devoir, 19 mai 2015.

[6] Entre autre témoignages éloquents : Antoine Robitaille, «Programme d’histoire revus : occasion à saisir», Le Devoir, 4 septembre 2013 ; Id., «Enseignement de l’histoire : attaque injuste», Le Devoir, 4 décembre 2013.

[7] Antoine Robitaille, blogue «Mots et maux de la politique», Le Devoir, 14 septembre 2009.

[8] Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie [Pierre Duchesne], «Implantation d’un cours d’histoire du Québec contemporain au collégial», s.d. [vers septembre 2013], 2 pages.

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Extrait de l’article paru dans Le Soleil.

“Financée par le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, la recherche a été menée à partir de 2012 par l’Université Laval et le Musée de la civilisation de Québec. Quatre auteurs ont mis la main à la pâte : Jocelyn Létourneau, Claire Cousson, Lucie Daignault et Johanne Daigle. En tout, 427 «gens ordinaires» ont participé. Le Musée de la civilisation a sondé 122 de ses visiteurs, qui ont rempli le questionnaire sur place, et 305 autres personnes l’ont rempli par Internet. De ces répondants, 56 % sont des femmes et 84 % sont francophones. Voici la principale question posée : «Parmi les 60 images proposées, choisissez les 10 images que vous considérez comme les plus représentatives du Québec et de son histoire, et les 5 images que vous considérez comme les moins représentatives du Québec et de son histoire.» Les résultats de la recherche ont été publiés en novembre 2015 dans l’article «Le mur des représentations : images emblématiques et inconfortables du passé québécois», publié dans la revue Histoire sociale.”

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Entrevue de Jocelyn Létourneau @ 3600 seconde d’histoire à 10:50. Cliquer sur le lecteur pour écouter l’entrevue.

3600 secondes d'histoire 2

« Je me souviens… », conscience collective et représentation du passé, entrevue avec Jocelyn LÉTOURNEAUChers auditeurs,…

Posté par 3600 secondes d'histoire sur 13 janvier 2016

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Parution de l’enquête Le Mur des représentations.

Chaque société, nation ou pays est associé à un ensemble de représentations qui en incarnent apparemment l’essentiel. Plus ou moins justes ou factices, ces représentations fabriquées ont une incidence sur les consciences populaires et contribuent à la construction de l’identitaire des peuples. Quelles sont les images qui, au dire des « gens ordinaires », reflètent l’expérience québécoise dans le temps — ce qu’on pourrait aussi appeler la québécité — et quelles sont celles qui, selon les mêmes personnes, ne conviennent pas à cette québécité ou lui sont censément étrangères? Une enquête exploratoire à laquelle ont participé 427 personnes permet de discerner les représentations emblématiques et inconfortables de la québécité. On entre ici au cœur de la production populaire du sens, zone négligée de la recherche historienne contemporaine.

Létourneau, J., Cousson, C., Daignault, L. et Daigle, J.(2015). Le Mur des représentations: Images emblématiques et inconfortables du passé québécois. Histoire sociale/Social history, 48(97), 497-548.

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Le mois dernier, à l’invitation de David Scott de l’Université de Calgary, j’ai eu la chance de donner une présentation via Skype à de futurs enseignants de social studies au secondaire. J’ai rencontré David en 2013 à l’Université Laval alors qu’il effectuait un voyage d’études financé par THEN/HiER (programme Doctorant invité). Je l’ai revu ce printemps, alors que j’étais Doctorant invité à l’Université d’Alberta.

Depuis qu’on se connait, Dave et moi avons beaucoup discuté du concept de perspective historique, cette façon de concevoir le passé à partir de nos valeurs et de nos appartenances sociales. Le curriculum scolaire en Alberta requiert que les enseignants de social studies ainsi que leurs élèves se sensibilisent aux perspectives historiques que possèdent les francophones et les Amérindiens au sujet de l’histoire du Canada. Or, Dave l’a bien montré dans son mémoire de maîtrise, les enseignants peinent à appliquer cette directive ministérielle en classe. Ils disent manquer d’exemples concrets pour illustrer ce qu’est une perspective historique. Avec ce souci en tête, Dave et moi avons planifié une activité pédagogique afin de rendre visible le concept de perspective historique et, ce faisant, équiper de futurs enseignants de social studies à faire face aux demandes curriculaires en Alberta. Voici un compte rendu de cette activité.

Pour lire la suite.

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Dans: activité pédagogique

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Dans un article écrit par Françoise Lantheaume et dont le titre est Le récit de l’histoire de France par la jeunesse scolarisée : références communes, ruptures culturelles : “Une enquête québécoise pionnière (Létourneau, 2004, 2006) qui a sollicité de tels récits juvéniles de l’histoire du Québec reste une référence pour ce qui est de l’identification d’un référentiel national construisant un rapport au passé qui est aussi un rapport à l’avenir et la manifestation d’une conscience historique en formation (Létourneau, 2010, 2014). Nous avons repris ce projet en l’adaptant à nos propres préoccupations qui ne sont pas tant du côté de la construction d’une conscience historique que du côté de la réinterprétation de ressources narratives et de la construction d’un récit d’histoire propre à un groupe social (ici les élèves).”

Pour lire la suite de l’article…

Létourneau et Lantheaume préparent l’édition d’un ouvrage collectif qui rend compte des résultats d’une enquête menée en Europe. Celle-ci est inspirée par la méthode simple et éprouvée qui consiste à inviter des élèves à raconter l’histoire de leur pays en quelques pages.

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Dans: Raconte-moi l'histoire du Québec

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Extrait du compte rendu écrit par Éric Richard : “Cet ouvrage de Jocelyn Létourneau, du département des sciences historiques de l’Université Laval, n’est ni un essai ni un ouvrage strictement scientifique. On pourrait le qualifier d’ouvrage « grand public » qui présente des analyses effectuées sur un vaste corpus de données rassemblées entre 2003 et 2013. Ce corpus est composé de 3 423 locutions rédigées par des étudiants de différents niveaux d’études (de la 4e secondaire à l’université) qui devaient répondre à la question : « Si vous aviez à résumer, en une phrase ou une formule, l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement ? ». Cette collecte a permis de recueillir d’autres données qui ne font pas l’objet d’analyse dans cet ouvrage. Par cette enquête, Létourneau désire explorer les représentations historiques du passé du Québec dans la conscience collective de sa jeunesse.

[…]

En ce qui concerne les résultats, ils sont par endroits intéressants, alors que d’autres sont peu étonnants : il y a plus de similarités que de disparités entre les garçons et les filles ; les visions du passé sont différentes selon que les étudiants fréquentent des institutions anglophones ou francophones ; le raffinement des locutions s’accentue à mesure que l’on passe d’un niveau scolaire à un autre ; la réforme du programme d’histoire en 2007 semble avoir un effet limité sur la vision des jeunes.”

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Dans: Je me souviens

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