Je me souviens ?

Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse

À l’encontre de ce que l’on dit, les jeunes Québécois s’intéressent à l’histoire de leur société. Ils sont capables de visions d’ensemble du parcours de leur collectivité. Ils se montrent fiduciaires de l’expérience historique du Nous. Exploitant un corpus original constitué de milliers de réponses à la question «Si vous aviez à résumer en une phrase ou une formule l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement?», l’auteur nous amène au cœur d’une fascinante étude sur la conscience historique de la nouvelle génération.

Lire un extrait du livre

À l’instar des participants à l’enquête, résumez l’histoire du Québec en une phrase !

Les énoncés


Dans les documents ci-après, on trouve les matériaux de base ayant servi à la confection du livre:

  • Énoncés générés par l’enquête Léger Marketing menée pour le compte de l’Association d’études canadiennes
    1. Liste des énoncés

Petite histoire du livre


Chaque livre a son histoire. L’idée à l’origine de Je me souviens ? remonte à la fin des années 1980. Siégeant alors comme membre du jury du concours Lionel-Groulx, parrainé par l’Institut d’histoire de l’Amérique française, l’auteur constate que les jeunes, invités à produire un essai sur l’histoire du Québec contemporain, sont porteurs d’une représentation du passé largement structurée par la dichotomie «Grande noirceur/Révolution tranquille». Il cherche à comprendre pourquoi. À partir de ce moment, la question de l’imaginaire historique des jeunes s’impose à lui1.

Père de 4 enfants, Jocelyn Létourneau n’a de cesse d’être impressionné par la curiosité et l’intelligence des jeunes. Il a pour son dire que l’on sous-estime allègrement leurs capacités réflexives. La question de la méconnaissance ou de l’indifférence des jeunes pour l’histoire du Québec est un débat qui fait rage dans la province durant les années 1990. Le diagnostic est dur : on parle d’une génération d’amnésiques, d’ados à la mémoire trouée et de jeunes sans ancrage historique.

Perplexe par rapport à de tels jugements, souvent fondés sur des enquêtes critiquables dans leurs tenants et aboutissants, Jocelyn Létourneau a l’idée d’interroger autrement les jeunes sur l’histoire du Québec. Il tire profit de ses cours à l’Université Laval pour surprendre ses étudiants par une question générale assez simple : «Racontez-moi l’histoire du Québec comme vous la connaissez», et par une question complémentaire tout aussi candide (en apparence!) : «Si vous aviez à résumer en une phrase ou une formule l’aventure historique québécoise, qu’écririez-vous personnellement?» Année après année, il amasse des récits et des phrases. Œuvrant à d’autres projets, il n’a guère le temps d’exploiter son extraordinaire corpus. Dans son esprit germent cependant un lot de problématiques, d’hypothèses et de concepts qu’il entend soumettre à l’épreuve des données recueillies.

Au début des années 2000, il convainc Sabrina Moisan, qui débute des études de maîtrise, de rallier la recherche en étendant la cueillette documentaire aux jeunes du secondaire et du cégep, et ce, dans la région de Québec. Brillante, l’étudiante produit un excellent mémoire2. Du travail de Moisan et de Létourneau découle un article majeur3 dont les retombées sont importantes: non seulement le texte est amplement cité et repris4, mais il amène les décideurs à se pencher sur la configuration de l’imaginaire historique des jeunes Québécois. À la suite de ce texte, l’«ignorance» supposée des jeunes n’est plus conceptualisée comme un vide qu’il faut combler, mais comme un plein sur lequel on peut intervenir.

L’accueil réservé à son idée de recherche pousse Jocelyn Létourneau à se lancer, en 2003, dans une entreprise plus vaste et systématique de cueillette documentaire. Avec l’aide de Christophe Caritey et d’une équipe d’étudiants, il amasse, en employant toujours la même méthode efficace, des centaines, puis des milliers de récits et de phrases obtenus auprès de jeunes Québécois habitant diverses régions de la province et fréquentant des établissements scolaires de langue française ou anglaise. Les récits compilés, qui forment l’un des corpus du genre parmi les plus volumineux au monde, sont codés pour en extraire la matière. À ce jour, peu d’articles ont été publiés en rapport avec l’analyse des récits5: le travail est à faire et promet des résultats fascinants.

Si les récits produits par les jeunes constituent une matière quasi inépuisable à exploiter, les phrases forgées le sont tout autant. Au début, l’intention de Jocelyn Létourneau est de rédiger un article en rapport avec les énoncés rassemblés. Devant la richesse du corpus, dont le potentiel ne peut être épuisé dans un texte de trente pages, il décide de procéder à l’écriture d’un livre. Cette façon de faire lui permet d’analyser les formules sous différents angles et avec la précision nécessaire à une étude se voulant tout à la fois minutieuse, rigoureuse, ambitieuse et porteuse de retombées pratiques pour l’enseignement de l’histoire.

La production du livre est longue: l’auteur ne peut s’adonner à temps plein à ce seul projet… La mise au point d’une méthode de classement des phrases exige par ailleurs un temps considérable. Enfin, il faut valider les classements, discuter la pertinence de ranger un énoncé sous une rubrique ou sous une autre, etc. Établi à l’origine par Jocelyn Létourneau, le classement est soumis au jugement critique de Raphaël Gani et de Jean-François Conroy. À la suite de discussions, un classage final est confirmé. C’est sur cette base que le livre est produit.

Notes

  1. Jocelyn Létourneau, «L’imaginaire historique des jeunes Québécois», Revue d’histoire de l’Amérique française, 41, 4 (printemps 1988), p. 553-574.
  2. Sabrina Moisan, «Mémoire historique de l’aventure québécoise chez les jeunes Franco-Québécois d’héritage canadien-français. Coup de sonde et analyse des résultats», mémoire de maîtrise, département d’histoire, Université Laval, 2002.
  3. Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan, «Mémoire et récit de l’aventure historique du Québec chez les jeunes Québécois d’héritage canadien-français: coup de sonde, amorce d’analyse des résultats, questionnements», The Canadian Historical Review, 85, 2 (juin 2004), p. 325-356.
  4. Jocelyn Létourneau et Sabrina Moisan, «Young People’s Assimilation of a Collective Historical Memory. A Case study of Quebeckers of French-Canadian Historical Heritage», dans Theorizing Historical Consciousness, sous la dir. de Peter Seixas, Toronto, University of Toronto Press, 2004, p. 109-128; Jocelyn Létourneau, «Remembering Our Past: An Examination of the Historical Memory of Young Québécois», dans To the Past: History Education, Public Memory, & Citizenship in Canada, sous la dir. de Ruth Sandwell, Toronto, University of Toronto Press, 2006, p. 70-87.
  5. Jocelyn Létourneau et Christophe Caritey, «L’histoire du Québec racontée par les élèves de 4e et 5e secondaire. L’impact apparent du cours d’histoire nationale dans la structuration d’une mémoire historique collective chez les jeunes Québécois», Revue d’histoire de l’Amérique française, 62, 1 (été 2008), p. 69-93 ; Stéphane Lévesque, Jocelyn Létourneau et Raphaël Gani, «A Giant with Clay Feet: Quebec Students and the Historical Consciousness of the Nation», International Journal of Historical Learning, Teaching and Research, vol. 11, 2 (mai 2013), p. 156-172; Jocelyn Létourneau, Raphaël Gani et Stéphane Lévesque, «Tout a commencé par la défaite. La guerre de Sept Ans dans la mémoire et la conscience historiques des Québécois», dans Laurent Veyssière, dir., La Nouvelle-France en héritage, Paris, Armand Colin, 2013, p. 311-327.

Articles connexes


Figure ici un éventail d’articles publiés par l’auteur ou d’autres chercheurs et se rapportant à la matière du livre.

Liste des publications:

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