Avant-hier, dans le cadre du 200e anniversaire de la naissance de George-Étienne Cartier, le président de la Société Saint-Jean Baptiste a réclamé un meilleur enseignement de l’histoire. Sa justification:

Monsieur Laporte plaide pour un meilleur enseignement de l’histoire nationale au secondaire, au cégep et dans les universités, pour que les Québécois soient mieux outillés pour comprendre leur histoire et soient plus conscients que l’histoire qui a été enseignée pendant longtemps est en bonne partie fondée sur des « mystifications ». « C’est l’histoire du vainqueur, pour ainsi dire. Or, on n’a pas le choix de rétablir les faits. »

À la lumière de ce propos, comment se fait-il qu’une majorité de jeunes soient loin de raconter l’histoire du “vainqueur” après avoir suivi leur cours d’histoire du Québec au secondaire? Cette majorité de jeunes raconte plutôt le récit dramatique de l’histoire du Québec, comme le rapporte l’ouvrage Je me souviens?

En conclusion du livre Je me souviens?, Jocelyn Létourneau explore la relation entre l’enseignement de l’histoire et l’interprétation donnée par les jeunes Québécois à l’histoire du Québec.

L’importance de l’école se révèle notamment dans les phrases par genre de vision du passé selon qu’un élève est inscrit en 4e ou en 5e secondaire. À cet égard, il semble que la classe d’histoire ait beaucoup à voir avec l’essor des visions malheureuses ou victimales du destin québécois chez les jeunes. [Exemple d’un résumé d’histoire classé comme étant “malheureux” : Le Québec s’est toujours et se fait encore dominer par une autre puissance]. L’analyse du groupe des “non-réformés [pré-2007]” est d’ailleurs révélatrice à ce sujet. Après avoir suivi le cours d’histoire nationale en 4e secondaire, on note en effet, chez les “francophones” comme chez les “anglophones”, une augmentation significative du nombre de formules exprimant une représentation malheureuse ou victimale du passé québécois. Étant donnée la composition du corpus confectionné après la réforme d’histoire (2007), il n’est pas possible de parvenir à une conclusion aussi ferme dans le cas des élèves “réformés”. Cela dit, après avoir suivi le cours Histoire et éducation à la citoyenneté, qui fait office de cours d’histoire nationale et s’étend sur deux ans, la proportion de jeunes dont les représentations de l’expérience québécoise peuvent être rangées dans la catégorie des visions malheureuses ou douloureuses passe de 18,6% à 31,5% pour se stabiliser à 34% au cégep et à l’université. La variation n’est pas mineure. Elle est même majeure. Elle interpelle en tout cas le chercheur. (p. 222-223)

Il n’est pas possible de lier directement l’enseignement de l’histoire du Québec et les représentations historiques que possède la jeunesse québécoise. Les jeunes construisent cette représentation à partir de leur cours d’histoire, mais aussi, par le curriculum réel : des films et des conversations en famille, par exemple. Néanmoins, il semble y avoir un certain “effet d’enseignement”, c’est-à-dire que suivre un cours d’histoire du Québec au secondaire augmente les chances qu’un jeune résume l’histoire québécoise par le biais du drame. Pour reprendre les mots du président de la société Saint-Jean Baptiste, ce récit dramatique n’est pas celui des “vainqueurs” mais comporte peut-être quelques “mystifications”.

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Dans: Enseignement de l'histoire du Québec Je me souviens

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