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Lettre ouverte parue le 6 mars sur le site web du journal Le Soleil.

Conformément à la plateforme du Parti Québécois et après avoir entendu religieusement les doléances de certains groupes de pression, notamment la Coalition pour l’histoire, la ministre Malavoy a décidé d’aller de l’avant avec la réforme du programme Histoire et éducation à la citoyenneté (HEC).

Le document sur lequel elle s’appuie pour agir (appelons-le Rapport Beauchemin) n’est pas à rejeter du revers de la main. Rétablir l’appellation Histoire du Québec et du Canada pour intituler le cours n’est pas une mauvaise idée – mais celui-ci avait-il déjà été autre chose que cela ? Revenir à une trame chronologique pour structurer la matière du passé québécois n’infligera de souffrance à personne sauf peut-être à ceux – politologues, économistes et sociologues surtout – qui pouvaient prétendre à une prise sur l’éducation des jeunes grâce au contenu et à l’orientation de la deuxième année du cours HEC. Suggérer que l’enseignement de l’histoire au primaire soit centré sur l’espace-temps premier des élèves – la communauté immédiate et l’histoire locale – est probablement de bon augure. Enfin, promouvoir un meilleur arbitrage entre connaissances et compétences donne à compliment – encore qu’on ait exagéré les abus putatifs du cours HEC en prétendant qu’il n’en avait que pour la méthode et les savoir-faire.

JUSQU’OÙ LA NATION ?

Bien que la chose ne surprenne pas, on s’interroge toutefois sur la signification réelle d’une prescription normative qui traverse le Rapport Beauchemin comme un leitmotiv, soit celle de «prendre en compte le fait national comme intelligence première de l’histoire québécoise». Les auteurs du document ont beau nier que le nouveau cours ne vise pas à faire des jeunes Québécois de bons petits nationaux, rien n’empêche que le programme repensé est tout entier structuré autour d’un axe directeur et principe organisateur fondamental : celui de l’histoire du Québec comme histoire de la nation québécoise.

Or, cet arrêté ne va pas de soi. La problématique de la nation québécoise n’a en effet rien de «naturel». Dans le document, le terme nation pourrait d’ailleurs être remplacé par celui de société ou par celui de Québec que rien ne changerait aux objectifs visés par les auteurs du rapport : permettre aux jeunes de saisir et de comprendre les processus structurants, tout à la fois généraux et spécifiques, qui ont fait de leur collectivité ce qu’elle est aujourd’hui.

Certes, personne ne niera que la société québécoise est traversée depuis longtemps par une intention nationale diversement portée par ses membres et dont la forme politique reste objet de débat. Cette perspective, qui remet la question nationale à sa place dans le théâtre de la société québécoise, est toutefois différente de celle que prône le Rapport Beauchemin qui veut que la nation, le national ou le nationalisme se trouve derrière chaque fait constitutif de la société québécoise.

Il faut pourtant le dire amplement : d’autres trames existent qui sont tout aussi valables que la trame nationale pour rendre compte de l’expérience québécoise dans le temps. Des exemples ? Celle de la construction, par des intérêts divergents et souvent conflictuels, d’une société à multiples focales et vocales ; celle de l’aménagement d’un espace à partir de projets, d’idées et de velléités contradictoires portées par ses habitants ; celle de la formation d’une collectivité tout à la fois réunie et divisée et dont les participants n’ont jamais communié à la même eucharistie ethnique, communautaire ou patriotique. On pourrait en ajouter.

Il y a derrière la réforme de la réforme une intention politique de raffermir l’idée nationale dans l’esprit des jeunes, intention seyant à la position de certains qui, se faisant spéculatifs plutôt qu’objectifs, affirment que la jeunesse québécoise est en voie de dénationalisation !

RETOUR À LA CASE DÉPART

Que donnera la réforme de la réforme ? Sans doute pas grand-chose, pas plus du reste que le cours HEC n’avait eu d’effets délétères sur l’apprentissage des jeunes et surtout sur leur conscience historique. Certes, les didacticiens et psycho-pédagogues, dont on a dit qu’ils étaient les nouveaux patrons de l’histoire au Québec, vont prendre leur trou et les historiens reprendre leur place. Les enseignants, qui ne sont pas une bande de suiveurs inféodés aux directives qu’ils reçoivent, vont continuer à offrir le cours d’histoire comme ils n’avaient jamais vraiment cessé de le donner sous l’empire du cours HEC, c’est-à-dire en trouvant les médiations fécondes entre savoirs et méthodes, faits et interprétations, connaissances et compétences, histoire globale et question nationale.

Et les jeunes ? Les jeunes, dont l’«ignorance» n’est pas vide, n’apprennent pas l’histoire seulement en classe. Il s’approvisionnent de connaissances concrètes et surtout de visions structurantes du passé en regardant des films, y compris sur You Tube, en lisant des bandes dessinées, en entendant les refrains des politiciens (qui comptent parmi les plus grands messagers d’histoire au Québec ou ailleurs), en écoutant ce qui se dit dans leurs familles ou en lisant des fictions historiques. Les jeunes sont déjà pris ou prisonniers de visions du passé québécois qui les enferment dans l’ordre d’une trame politico-nationale que le nouveau cours Histoire du Québec et du Canada, en «permettant à l’élève d’explorer les contours de la communauté politique et de l’idée nationale», viendra consolider.

Avec le Rapport Beauchemin, on retourne en fait à la case départ, que l’on n’avait d’ailleurs jamais quittée même sous l’égide du cours HEC. La représentation dominante de l’histoire du Québec, ancrée dans l’idée d’inaccomplissement historique, conjuguée au temps de la mélancolie, saupoudrée de victimisation, nappée de survivance et salée de résistance à l’Autre empêcheur, est appelée à s’affermir. La chose est-elle dommage ? Sans doute. Mais soyons réaliste : il n’est pas simple pour une société de remettre en cause l’histoire qui fonde sa représentation identitaire ; il n’est pas plus facile pour les membres de cette société de sortir d’une histoire du Soi qui les rassure sur qui ils sont.

Le Rapport Beauchemin met fin à un débat – celui sur l’enseignement de l’histoire aux jeunes – qui dure depuis presque vingt ans et qui a généré bien plus de chicanes stériles que de changements utiles. On peut s’interroger sur la pertinence de rouvrir le chantier à court terme. Seule consolation : le document déposé par la ministre offre peut-être assez de jeu aux enseignants, par qui tout se fait ou s’arrête, pour qu’ils sortent de la trame nationale proposée sans se faire traîtres devant qui que ce soit ou quoi que ce soit, qu’il s’agisse du MELS, de la formation des jeunes, de leur éthique personnelle ou de la Nation.

Jocelyn Létourneau, Boursier du Collégium de Lyon, Auteur de Je me souviens ? Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse (Fides)

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Dans: Enseignement de l'histoire du Québec Lettre ouverte

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To the question: ‘If you had to tell me what Quebec history was all about in one sentence, what would you say?’ St. Lawrence student Alexandre Thibault responded: “The invasion of Indian lands by French people and the subsequent invasion by English people.”

To the question: ‘If you had to tell me what Quebec history was all about in one sentence, what would you say?’ St. Lawrence student Alexandre Thibault responded: “The invasion of Indian lands by French people and the subsequent invasion by English people.”

 

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