Archives de l’auteur : Raphaël Gani

Dans sa chronique “À vous de jouer” publiée sur le site du journal Voir, Normand Baillargeon pose deux questions aux historiens Jocelyn Létourneau et Éric Bédard. Les voici, suivies d’un extrait de la réponse de J. Létourneau.

Baillargeon :

  • Comment faire en pratique, et par quels mécanismes sur le plan, disons, du programme, de la formation des maîtres ou autre, pour s’assurer que l’enseignement de l’histoire n’est pas endoctrinaire?
  • La deuxième est: mesuré à cet étalon, comment nous en tirons-nous en ce moment, au Québec?”

Létourneau : “Le problème du cours d’histoire nationale dans sa nouvelle mouture (Histoire du Québec-Canada) est qu’il propose aux jeunes une vision assez traditionnelle de l’expérience québécoise. Celle-ci est centrée sur la formation historique d’une nation ayant fait face à l’adversité dans sa quête d’accomplissement. Cette mise en sens du parcours québécois n’est pas fallacieuse. Elle est cependant étroite. Elle est assez bien connue des jeunes (www.tonhistoireduquebec.ca). Ceux-ci, toutefois, ne peuvent la nourrir grassement faute d’un bagage suffisant de connaissances. Le cours HQC leur fournira ce corpus de faits grâce auquel ils consolideront leur vision acquise du Québec comme nation (française) au destin tragique. Ce faisant, il sera possible pour les élèves, au grand bonheur de certains intervenants, d’aiguiser leur sentiment national(iste) ou de le développer.”

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En lisant les réponses de jeunes qui ont résumé l’histoire du Québec, plusieurs questions restent en suspens. Les jeunes croient-ils en l’histoire qu’ils racontent, ou répètent-ils une cassette apprise par coeur à l’école? À ce sujet, une conférence de Pierre Bougault alimente la réflexion.

Par une sorte de tradition rhétorique, certains tribuns ont continué jusqu’à ce jour d’asséner les « leçons de l’histoire ». Dans ce genre, le débat référendaire fut une orgie, qui semble bien dépassée. Le discours que Pierre Bourgault tenait récemment, à l’ouverture du 26e Congrès de la Société des professeurs d’histoire, manifeste cette évolution. Il n’y est plus question de leçons du passé qui dicteraient les choix politiques d’aujourd’hui, mais de la nécessité d’une solide culture historique pour comprendre les données des problèmes et les différences entre les situations, les peuples, les cultures [1]. (Ségal, 1990)

L’histoire sert donc non seulement à comprendre le passé, mais encore à s’en débarrasser, à se libérer des pulsions affectives inconscientes qui l’accompagnent dans la mémoire. En outre, elle amène à remettre en question ce que Pierre Bourgault (1989) appelle les “discours de cassettes”, les clichés tellement répétés à propos de notre passé qu’on ne se donne plus la peine d’en vérifier l’authenticité, même s’ils conditionnent une grande partie de nos attitudes et de nos comportements présents. (Martineau, 1993)

[1] Pierre Bourgault, Pour en finir avec « l’histoire en cassettes… », Traces, n° 27, avril 1989, p. 9-13.

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Conscience historique des jeunes francophones d’Ottawa : sentiment d’appartenance franco-ontarienne et récit du passé.

Par Stéphane Lévesque, Jean-Philippe Croteau et Raphaël Gani.

Extrait: “Pour évaluer la conscience historique des jeunes francophones d’Ottawa, nous nous sommes inspirés de la méthode employée par Jocelyn Létourneau et Marc Robichaud dans leurs travaux respectifs sur les jeunes Québécois et les jeunes Acadiens.

Les premières études sur la conscience historique ont été réalisées à partir de questionnaires aux élèves pour sonder leurs connaissances ou leurs capacités d’analyse. Les travaux de Jocelyn Létourneau et de ses collaborateurs, ainsi que ceux de Marc Robichaud au Nouveau-Brunswick, ont plutôt privilégié une approche novatrice qui consiste à demander aux élèves de rédiger un récit historique (une histoire) afin de sonder leur vision du passé sous forme de narration.

Ces études ont révélé que les adolescents québécois et acadiens ont des rapports complexes avec le passé et disposent d’une conscience historique ancrée dans leur société d’appartenance. Cette conscience historique s’intègre au récit d’aventures d’un peuple caractérisé par sa cohérence et sa structure – ce qui n’exclut pas les clichés, les stéréotypes et les mythes historiques – et qui participe à sa construction identitaire.

Fait intéressant, l’adhésion à un récit narratif appartenant à un registre historique ou à un régime mémoriel commun nommé la « survivance » souffre de peu de discordances parmi les jeunes Québécois ou Acadiens, indépendamment des régionalismes.”

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Lettre ouverte dans #LaPressePlus parue le 26 juin 2015.

Chose rare, un député libéral et non le moindre s’est avancé sur le terrain glissant de l’enseignement de l’histoire. Notre premier ministre souhaite valoriser l’histoire du Canada. Celle-ci possède de « si beaux » moments « qu’il faudrait mieux les enseigner à nos enfants. », disait-il, le 13 juin. Toutefois, son souhait est incohérent avec la décision de l’ex-ministre Yves Bolduc d’approuver un nouveau cours d’histoire axé sur les particularités du Québec.

À la prochaine rentrée scolaire, des élèves de secondaire trois prendront part à un nouveau cours d’histoire du Québec et du Canada. Ce cours a été commandé par le gouvernement péquiste en 2013, puis l’actuel gouvernement libéral l’a approuvé tel quel en 2014.

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Par Jocelyn Létourneau

À l’occasion de la Fête des Patriotes, le 18 mai dernier, Pierre-Karl Péladeau déclarait sans ambages : «Si les Québécois connaissaient bien leur histoire, ils seraient indépendants». Il ajoutait : «Dieu sait si les commentateurs sont nombreux à nous reprocher de parler de notre histoire, de parler de la bataille des Plaines d’Abraham, de parler du Traité de Paris. Pourtant, c’est ce qui nous motive encore aujourd’hui à continuer à nous battre.»[1]

Dans un éditorial où il identifiait les défis à venir du nouveau chef du PQ, Antoine Robitaille affirmait de son côté, après avoir vanté l’«enracinement» de PKP et son amour de l’histoire, que pour faire croître le sentiment souverainiste au Québec, «M. Péladeau devra réussir à communiquer son patriotisme.»[2]

L’une et l’autre position devrait inquiéter.

L’APPEL DE L’HISTOIRE

En prétendant que les Québécois ne connaissent pas leur histoire, PKP répète le poncif de la Coalition pour l’histoire et le truisme de son membre le plus influent, Éric Bédard, avec qui il entretient des liens serrés. L’affirmation ne repose pourtant sur aucune étude sérieuse. Elle tient à l’idée que si une personne ne peut répondre à des questions triviales (par exemple : «Qui fut le premier premier ministre du Québec ?»), elle est ignare sur le plan historique. Des dizaines de recherches effectuées à travers le monde ont pourtant montré que les jeunes, en matière de connaissances et de représentations historiques, étaient bien moins incultes qu’on ne le croyait… si tant est que l’on se donnait les moyens d’accéder à leur bagage de savoirs.

Ce que j’ai fait dans le cas des jeunes Québécois[3]. Pour découvrir que non seulement ces derniers n’étaient pas amnésiques, mais que les connaissances et représentations qu’ils possédaient étaient précisément – beau paradoxe ! – celles que MM. Péladeau et Bédard voulaient leur inculquer sans ménagement, que ce soit par le biais de L’histoire du Québec pour les Nuls, à travers le programme d’histoire en voie d’élaboration ou par des usages du passé aussi critiquables que ceux mis en avant par le gouvernement Harper[4].

Le défi de l’enseignement de l’histoire à l’école n’est pas de faire des jeunes des férus de l’indépendance nationale, mais, entre autres choses, de développer leur esprit critique par rapport à toute vision qui se donne pour évidente et qui vise à les transformer en petits patriotes embrigadés dans quelque idée, dessein ou destin à tout prix.

L’APPEL AU PATRIOTISME

La question du patriotisme est celle qu’Antoine Robitaille, dans un dilettantisme surprenant, abordait dans un éditorial récent du Devoir. Avançant (de nouveau) l’idée que les Québécois, les jeunes en particulier, étaient en voie de déracinement et qu’ils se complaisaient dans l’avenir, dans l’international et dans l’indifférence (mais où trouve-t-on des preuves de tout cela ailleurs que chez les essayistes aux idées surfaites ?), il posait une question de militant : «Comment prôner la souveraineté du Québec en cette époque oublieuse, en cette nation qui semble se désintéresser d’elle-même et de son État ?»

Sa réponse, qu’il suggérait d’ailleurs à M. Péladeau, était la suivante : en affermissant le patriotisme des jeunes – par l’histoire peut-on penser, M. Robitaille ayant été un farouche partisan des idées prônées par la Coalition pour l’histoire[5] ; M. Robitaille ayant également, en marge de l’événement Le Moulin à paroles, sur les plaines d’Abraham les 12 et 13 septembre 2009, écrit ces lignes qui secouent : «Samedi et dimanche, une chose rare s’est fait voir : un public respectueux, attentif, presque studieux. C’est ce qu’on devrait prendre le temps de faire dans les écoles : lire des textes. Donner la parole à nos grands morts : ce sont les meilleurs professeurs. Un peuple qui ne connaît pas ses morts a du mal à vivre.»[6]

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La convergence des idées de MM. Péladeau et Robitaille interpelle : est-on sur le point, au Québec, de revenir à une conception de l’histoire et de son enseignement qui visent à raviver le patriotisme des jeunes et leur amour des morts en vue de les amener, pour le dire comme l’ancien ministre Pierre Duchesne, qui voulait instaurer un cours d’histoire nationale obligatoire dans les cégeps, « à faire des choix porteurs pour la société québécoise ?»[7]

Si la réponse à cette question est Oui, l’horizon s’annonce brun.

[1]Philippe Teisceira-Lessard, «Le PQ doit parler d’histoire, dit Péladeau», La Presse, 18 mai 2015.

[2]Antoine Robitaille, «Deux défis», Le Devoir, 19 mai 2015.

[3] Jocelyn Létourneau, Je me souviens. Le passé du Québec dans la conscience de sa jeunesse, Montréal, Fides, 2014.

[4] Yves Frenette, «L’embrigadement du passé canadien. Les politiques mémorielles du gouvernement Harper», Annales canadiennes d’histoire, 49 (printemps-été 2014), p. 31-47.

[5] Jocelyn Létourneau, «La renationalisation de l’histoire québécoise. Chronique d’une OPH (Opération Publique d’Histoire), de son initiation à sa consécration».

[6] Antoine Robitaille, blogue «Mots et maux de la politique», Le Devoir, 14 septembre 2009.

[7]Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie, «Implantation d’un cours d’histoire du Québec contemporain au collégial», communiqué de presse, s.d. [septembre 2013], 2 pages.

 

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Par Jocelyn Létourneau:

“Permettez-moi de vous partager mon plus récent texte qui ne sera sans doute jamais publié sur un mode traditionnel (il devait paraître dans un ouvrage collectif qui ne verra pas le jour). La finale reste un peu spéculative (faute de documents à jour). Le texte sera bonifié au fur et à mesure des développements sur le sujet.

Vous verrez que j’ai essayé de développer une argumentation aussi appuyée que possible – d’où le nombre considérable de notes infrapapginales.

La renationalisation de l’histoire québécoise. Récit d’une OPH (Opération Publique d’Histoire) de son initiation à sa consécration”

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Le film Corbo raconte l’histoire d’un jeune militant du FLQ durant les années 1960. Pourquoi ce film? Parmi les raisons évoquées par le réalisateur du film, la notion d’oubli est récurrente.

Dans une entrevue qui paraît aujourd’hui sur le site web du journal Voir, le réalisateur de Corbo déclare : «L’histoire de Jean Corbo, dit Mathieu Denis, est une note de bas de page historique dans ce qu’on en a retenu. Il est pour moi un grand oublié de notre histoire. J’aurais tendance à dire que 95% de notre histoire est oubliée. Ce qui est ironique dans une province où la devise est « Je me souviens ». Dans les faits, on ne se souvient pas de notre passé, on ne veut pas s’en souvenir.» 

Dans une autre entrevue qui paraît aussi aujourd’hui sur le site web du journal L’Expess Outremont / Mont-Royal, Mathieu Denis revient sur la relation entre Corbo, la devise du Québec et l’oubli :

«Je me souviens»
Le film Corbo est une fiction basée sur des faits historiques. Le réalisateur a rencontré des membres de la famille et des amis de Jean Corbo, et il s’est aussi penché sur plus de 400 articles de journaux pour consolider sa recherche documentaire.

«Ma visite au Palais de justice n’a pas porté fruit. Les données sténographiques que j’espérai y recueillir sont systématiquement détruites après 30 ans», lance-t-il contrarié. Selon lui, la devise «Je me souviens» perd tout son sens. «De brûler des archives sans se préoccuper de leur valeur historique ne permet pas de se souvenir, explique le réalisateur. C’est comme si on préférerait oublier les histoires du passé, comme celles de Jean Corbo».

Enfin, la journaliste Tanya Lapointe évoque aussi l’oubli dans le titre de son billet qui paraît aujourd’hui sur le site web de Radio-Canada :

La mort oubliée du jeune felquiste Jean Corbo

Mathieu Denis réitère son message à la journaliste : “L’histoire de Jean Corbo comme telle est vraiment une histoire qui a été oubliée.”

Dans une entrevue accordée en mars dernier, Robert Lepage invoquait lui aussi l’association entre la devise du Québec et la notion d’oubli. Il tenait ce propos dans le contexte d’une campagne de promotion pour son nouveau spectacle 887, dont l’action se déroule durant les années 1960. Pour Lepage, il faut revisiter cette époque car nombre de Québécois méconnaissent les années 1960 :  

«La devise du Québec est ”Je me souviens”, pourtant mon pays est amnésique de cette époque. On parle de souveraineté et d’indépendance, mais la jeune génération ignore que ces questions se sont posées parfois violemment dans les années 60».

Ce propos est à certains égards similaire à celui du réalisateur de Corbo.

Un même message se trouve dans trois articles parus aujourd’hui au sujet de Corbo. Ce message est central à la promotion du film : on a oublié Corbo.

Notre précédent billet traite de ce type de  pratique promotionnelle qui consiste à dénoncer l’ignorance de l’histoire de manière à légitimer la production et/ou la pertinence d’un bien culturel. Cette pratique contribue à diffuser dans l’espace public un discours unidimensionnel au sujet des connaissances historiques que possèdent les Québécois.

La première du film Corbo avait lieu ce soir au cinéma Excentris.

La bande-annonce du film.

Un autre projet de cinéma traite aussi de Corbo. Présenté en 2013, il s’agit d’un court métrage dont voici la bande-annonce.  Le film et le court métrage ne sont pas liés.

Le Camarade – Bande-annonce from Octo Film on Vimeo.

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Dans: Ignorance de l'histoire du Québec

Texte écrit par Raphaël Gani et publié dans La Presse + le 12 avril 2015. Son titre original était Le marketing de l’ignorance.

“Au lieu d’offrir un portrait nuancé de la mémoire collective, Robert Lepage et Guy Nantel utilisent la prétendue ignorance des Québécois pour promouvoir leurs spectacles”

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Le cas Lepage : la première entrevue que j’ai lue à propos de 887

Robert Lepage 887 mémoire

Robert Lepage et 887

Au sujet de la Révolution tranquille 2.0 : Comment travailler la mémoire sur Twitter. Quelques réflexions d’ordre méthodologique à partir de la Grande Noirceur et Révolution tranquille 2.0

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Le cas Nantel : la nouvelle publicité du spectacle Corrompu

Guy Nantel Vox Pop

 

Léa Stréliski reproduit un vox pop mené par Guy Nantel

L’original

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Dans: Ignorance de l'histoire du Québec

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